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L'Union des Communautés Autonomes, ou plus brièvement UCA, regroupe tous les bastionautes qui ont voulu quitter leur pays pour fonder un nouvel ordre social où la tyrannie, la foi aveugle, et l'oppression seraient férocement combattus.
Des réquisitions pour des guerres iniques, injustifiées, où les puissants s’enrichissent et le peuple s’affame ; des taxes et des impôts incessants dont sont exemptés les élites ; des persécutions religieuses au nom d’une foi bafouée par ceux-là même qui prétendent la défendre ; des mœurs tyranniques du roi, des corps épuisés de ses sujets : naquit une révolte. Les plus braves soldats sentent enfin qu’ils se battent pour une juste cause. Les efforts ne comptent plus pour se libérer du joug tyrannique. La foi retrouvée rallume le courage dans le cœur des croyants, qu’elle soit en un Dieu ou en l’homme. Les mœurs changent, et les corps se ravivent.
Telles furent les prémices d’une société nouvelle, attendant son heure pour se déclarer. Des mois durant, les insurgés de tous les royaumes voisins rejoignirent les rangs des premiers Arpéginois. Les soldats enseignèrent l'art de l'épée, les paysans l'art de nourrir, les artisans l'art de fabriquer. Tous se prêtaient main forte, mais tous restaient vigilants : les espions grouillaient, et en aucun cas les royaumes des tyrans ne devaient retrouver leur trace. Pas encore. Main dans la main, munis de leur seule foi en ce que le Goéland Bleu appelait l’humanisme, ou l’amitié entre tous les hommes, les exilés bâtirent une première cité souterraine : la Nouvelle-Arpégènes. Très vite, l’histoire de cette communauté se répandit partout : les bardes transmettaient jusqu’aux confins du monde l’exploit de ses habitants héroïques. Mais grâce à leur vigilance, nul ne savait où trouver ces exilés. Il fallait le devenir soi-même, errer longtemps, pour peut-être espérer un signe de leur part. Ce qui n’empêcha pas la communauté de grandir et d’accroître ses forces, à tel point qu’une seconde cité, la Nouvelle-Obert, fut fondée, honorant l’origine du premier obertien rallié à la cause, surnommé Bob le Bricoleur. Quand le Goéland Bleu insufflait le souffle poétique, Bob le Bricoleur dirigeait les manœuvres, supervisait les constructions auxquelles il participait lui-même de ses mains. Le Goéland Bleu donnait à la révolution sa part d’art. Bob le Bricoleur lui procurait sa vitalité technique. Le premier faisait d’elle un savoir-vivre. Le second en faisait un savoir-faire. A eux deux, prêts à tous les sacrifices, ils représentaient l’ardeur et l’exemplarité de cette civilisation : l'Union des Communauté Autonomes. Il suffisait de prononcer leur nom pour faire frissonner n’importe quel tyran de n’importe quel pays, à commencer par le despotique Prince-Évêque d’Arpégènes ; car ils ne répandaient pas seulement la parole, mais aussi la poudre. Sur les murs d'Arpegenes, le Goeland Bleu déversait des poèmes assassins, qui appelaient à l'insurrection tous les sujets du royaume. BobleBricoleur organisa dans le royaume d'Obert le premier d'une longue série d'attentats à la bombe. À mesure que l'UCA se fortifiait et accueillait de nouveaux arrivants, elle se rendait néanmoins plus vulnérable. Le prince évêque finit par savoir où les rebelles se terraient. Après les actes qu'ils qualifièrent du nom abject de terrorisme, les souverains de la Ligue envoyèrent leurs forces sur une cité trop libre pour eux.
Mais ce qu'ils ne comprirent pas, c'est qu'ils n'avaient plus affaire à quelques déserteurs, quelques crapules exilées hors de leurs murs, mais à une cité unie, aguerrie et prête à tous les sacrifices pour défendre son existence. Ses habitants avaient acquis au cours de leur fuite une grande expérience, s'étaient munis de patience et d'un courage admirable. Ils avaient fait de leur environnement hostile une force. Les soldats de la ligue, aussi nombreux qu'ils soient, allaient devoir survivre aux pièges tendus sur le sable brûlant des plages côtières ou au milieu de la jungle sauvage et millénaire. Se repérer la où tout se ressemble, combattre les créatures les plus dangereuses, cela était le quotidien des habitants des cités libres. Chez eux, le nombre n'y faisait rien. La guerre d'indépendance fut gagnée. Mais à quel prix ? Leur chef de guerre, impérieux au combat, mais travailleur égal à tous les autres, le Goéland Bleu avait trouvé la mort ; mais elle ne fut pas vaine : elle redoubla l'ardeur de son ami Boblebricoleur, emplit les guerriers d'une rage presque effrayante. Les ennemis furent mis en déroute, acculés sur les côtes sèches et sablonneuses.
L'UCA est une fédération démocratique, c'est-à-dire qu'elle ne saurait réduire la politique aux assemblées, ni à quelque élection de dits représentants que ce soit. Ainsi, l'assemblée législative supérieure est composée de citoyens tirés au sort, dont les mandats sont rotatifs (c'est-à-dire non cumulables), impératifs et révocatoires. Cette assemblée ne se charge pas de rédiger les lois, mais plutôt de créer un cadre commun aux lois édictées par les comités de quartier ou assemblées législatives inférieures. Autrement dit une base de valeurs autour de laquelle l'Union peut se mettre d'accord, et qu'elle doit ensuite défendre face à toute menace. Les comités de quartier sont également tirés au sort, leur application appelle néanmoins des savoir-faire spécifiques : les brigades exécutives locales sont donc élues selon leurs compétences par les habitants d'un quartier qui les connaissent bien, et qui sauront en juger. A noter que les grands projets de production, ou d'infrastructure, qui ne peuvent fonctionner que sur une échelle plus large, requièrent l'adhésion de la majorité absolue des comités de quartiers. Leur exécution est le fruit d'un travail collaboratif entre l'assemblée législative supérieure et les brigades exécutives locales élues à cette occasion, sous la surveillance d'une commission parlementaire dont les membres sont tirés au sort et ne doivent déjà exercer aucune fonction institutionnelle. Par ailleurs, les fonctionnaires institutionnels ne détiennent pas leur moyen de transport : ce sont les pêcheurs qui ramènent les citoyens de l'Assemblée supérieure, et les mineurs qui ramènent les juges du Tribunal. D'où leur localisation atypique, sous mer et sous terre. Les paysans sont enfin chargés de ramener les soldats qui surveillent les frontières de l'Union. Ces modalités de déplacement ont deux effets, ou deux objectifs : la sauvegarde de la souveraineté du travailleur, et la meilleure propagation des débats politiques au sein de la population.